le thème 2 sur la construction d'une question de synthèse

Le second thème du TD sur la construction de la question de synthèse et d'un travail préparatoire par les élèves de première suivie de la correction du travail


Objectifs du TD :


1. Constat de départ :


- Les élèves ne sont pas toujours suffisamment attentifs à l’intitulé de la question de synthèse :

· Le plan qu’il impose

· La dimension spatio-temporelle

· La maîtrise des mots clés


- Les réponses au travail préparatoire ne sont pas toujours rédigées de façon à être intégré à la question de synthèse

- Dans le travail préparatoire, les réponses se limitent trop souvent à un recopiage ; les élèves ne sont pas suffisamment attentifs à l’articulation entre les constats opérés par les documents et les savoirs ou savoir-faire qui permettent de les enrichir


2. Un travail sur la construction d’un sujet de question de synthèse à l’issue d’un travail préparatoire pourrait favoriser une prise de conscience des attentes du correcteur


3. Les élèves après avoir élaboré le sujet et défini les attentes, deviendront les correcteurs des devoirs rédigés par leurs camarades ayant travaillé sur un autre thème


La démarche :


1. La classe est partagée en 2 groupes de 16


2. Chaque groupe est séparé en 8 groupes de 2 (qui correspondent aux 8 ordinateurs dont est équipée la salle de SES )


3. 4 groupes travaillent sur un thème portant sur la culture jeune ; les 4 autres sur la culture ouvrière

Le travail à effectuer ( 4 séances d’une heure ):


1. Séance n°1 : rédaction de l’intitulé de la question de synthèse en fonction des consignes :

- Pour le sujet sur la culture ouvrière :


· la problématique que doit suivre la QS est : la culture ouvrière existe t’elle encore ? (au sens de sous-culture et/ou contre-culture ) ? Votre plan peut proposer une réponse de type :

o I - oui II- mais

o I- Non II- Mais


· les notions que l’intitulé doit comporter :

o sous-culture et / ou contre-culture

o classe ouvrière, conscience de classe

o homogénéité/hétérogénéité

o fermeture/stratégie d’ascension sociale

· Les démarches sociologiques :

o Opposition entre la démarche déterministe et la démarche interactionniste


· La dimension spatio-temporelle : depuis les années 60, en se centrant sur le cas français


· Rédiger l’ébauche de plan que vous exigerez de vos camarades



2. Séances n°1 et 2 :


- Sélectionner 4 documentsdans le dossier documentaire joint, dont obligatoirement :

· 2 documents sous forme de graphiques ou tableaux

· 2 documents sous forme de texte

· Ils doivent couvrir l’ensemble du sujet et doivent donc proposer des constats et/ou des démarches et/ou des explications qui se relativisent


- Posez les 6 à 8 questions du travail préparatoire qui doivent :

· une question doit vérifier la maîtrise des données chiffrées

· Au moins une question doit vérifier la maîtrise de la sélection des informations dans un document statistique en incitant à élaborer une typologie et/ou une périodisation ; et si possible, à poser des calculs (coefficient multiplicateur , indice , taux de variation)

· Une question doit souligner le passage d’un texte pour en contrôler la compréhension

· Au moins une question doit vérifier la maîtrise du vocabulaire sociologique : sous-culture/contre-culture/valeurs/normes /statut/rôle

· Toutes les questions doivent être rédigées en fonction de leur intégration dans la question de synthèse


- Vous proposerez alors :

· un corrigé explicitant vos attentes (maîtrise des documents, du vocabulaire sociologique, des démarches ) .

· Vous proposerez une grille de notation pour chaque question

· Vous indiquerez dans quelle(s) partie(s) et sous-partie(s) vous souhaitez retrouver la réponse


- A la fin de la séance 2, les sujets ( travail préparatoire et question de synthèse ) sont échangés par les élèves : les groupes ayant rédigé le sujet de la culture jeune répondent au travail préparatoire et élaborent un plan développé et inversement : travail à rendre lors de la séance 4



3. Séances n° 2 et 3: Rédigez un corrigé de la Question de Synthèse (QS) , c’est-à-dire:


- La structure développée du plan exigé


- L’intégration précise des éléments du travail préparatoire dans le plan


- L’enrichissement du plan par des connaissances et des démarches tirées du cours


- Remplissez la grille de notation distribuée en l’adaptant à votre sujet



4. Séance 4 : Correction du travail préparatoire et de la question de synthèse : les élèves ayant élaboré la QS sur la classe ouvrière corrigent les copies rédigées par leurs camarades qui durant ce temps prennent en charge les copies sur le thème de la culture ouvrière :


- Correction du travail préparatoire en fonction des exigences et du barème de notation élaborés lors des séances 1 et 2


- Correction du plan de la QS en fonction de la grille de notation établie lors des séances 2 et 3


- Rédigez un commentaire de la copie :

· Une appréciation d’ensemble

· Les points laissant à désirer qui peuvent être améliorés

· Les éléments positifs


- A la fin de la séance, les élèves par groupe de 4 ( 2 binômes ayant pris en charge des sujets différents ) mettent en commun leur correction et les commentent


- A la fin de la séance, les sujets , les corrigés , les devoirs corrigés seront rendus aux enseignants qui évalueront le travail réalisé par les groupes



Dossier documentaire distribué aux élèves qui sont chargés d’élaborer le sujet portant sur la culture ouvrière


Document 1 :

Document 4:
http://www.pedagogie.ac-nantes.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?CODE_FICHIER=1192641808953&ID_FICHE=1192543669515


Source : A. Bihr, R. Pfefferkorn, Déchiffrer les inégalités, Editions Syros, 1999et TEF 2001/2002, INSEE, 2001.



Document 2:



L'origine sociale des élèves de la 6ème aux classes préparatoires
Unité : %


Elèves de 6ème

Ensemble bacheliers

Bacheliers généraux

Bacheliers généraux avec mention

Inscrits en classe préparatoire aux grandes écoles

Ouvriers, inactifs*

38

29

19

15

9

Employés

18

16

14

11

7

Agriculteurs, artisans, commerçants

11

11

10

9

9

Professions intermédiaires

17

21

24

23

20

Cadres supérieurs, professions libérales

16

23

33

42

55

TOTAL

100

100

100

100

100

*Les inactifs sont des personnes de milieu social très proche de celui des ouvriers.

Source : Ministère de l'éducation nationale - Direction de l'évaluation de la prospective et de la performance, suivi après le baccalauréat des élèves entrés en sixième en 1995


Document 3 :


Taux d'équipement en téléphone mobile, ordinateur et Internet selon les catégories sociales
Unité : %


Téléphone mobile personnel

Ordinateur à la maison

Accès à Internet à la maison

Utilisation ordinateur au travail *

Indépendants

77

64

58

47

Cadres supérieurs

92

91

81

87

Professions intermédiaires

88

60

77

77

Employés

88

75

65

46

Ouvriers

78

62

47

23

Au foyer

63

50

40

-

Retraités

47

33

25

-

Elèves, étudiants

86

84

72

73

Ensemble de la population

75

66

55

59

* champ : élèves, étudiants et actifs

Source : Crédoc, Enquête conditions de vie et aspirations des Français. Année des données : 2007

Document 4 :


Pratiques culturelles à l'âge adulte selon la catégorie sociale
Unité : %


Lecture de livres

Musée ou exposition

Théâtre

Concert ou spectacle

Ensemble

58

39

16

31

Agriculteurs

31

34

11

33

Indépendants

49

40

20

28

Cadres supérieurs et professions libérales

83

66

36

50

Professions intermédiaires

70

52

25

46

Employés

63

38

12

29

Ouvriers

32

25

6

22

Etudiants élèves

77

50

20

43

Chômeurs

51

34

11

24

Retraités

52

34

14

20

Inactifs et femmes au foyer

53

30

10

24


Source : Insee - Enquête permanente sur les conditions de vie. Année des données : 2005, personnes de 15 ans et plus

Document 5 :


Taux de départ en vacances selon la catégorie sociale
Unité : %


1994

2004

Agriculteurs

24

38

Artisans, commerçants, chefs d’entreprise

57

67

Cadres, professions intellectuelles supérieures

86

90

Professions intermédiaires

80

78

Employés

65

63

Ouvriers

48

48

Retraités

48

53

Autres inactifs

60

66

Total

62

65


Source : Insee - Enquête Permanente sur les conditions de vie (EPCV)






Document 6 : Place du travail et de la famille dans l’identité selon les CSP : http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/donsoc06zq.pdf


Document 7 :

Le groupe social le plus nombreux dans la société française est un de ceux dont on parle le moins, parce qu'il prend rarement la parole sur lui-même, mais aussi parce que littérature, cinéma, journalisme ne mettent presque jamais en scène des ouvriers. (…) si la classe ouvrière est à la fois peu représentée et très étudiée, c'est aussi parce qu'elle constitue un groupe socialement, culturellement et matériellement dominé, peu en mesure de contester les représentations scientifiques qui sont données d'elle. (..)

L'ouvrier ne peut être un héros de roman, ni servir de support à une image publicitaire. Dans le même ordre d'idées, on remarquera le faible nombre d'études portant sur la création culturelle ouvrière : une classe tout entière se trouve ainsi définie comme culturellement improductive. Son rapport à la culture « légitime », entendu comme rapport à l'école et aux institutions, est également et logiquement présenté comme malheureux : échec, ségrégation, exclusion, abstention, domination sont les termes qui, chacun dans un secteur différent, désignent la situation des ouvriers dans le domaine culturel (..). C'est fondamentalement par sa place dans la division du travail que la classe est définie, dans la plupart des recherches. (..)

Par ailleurs, de plus en plus nombreux sont les chercheurs qui veulent élucider le rapport particulier qu'entretiennent les ouvriers avec leur vie quotidienne : alimentation, goûts, loisirs, logement, relations familiales contribuent à définir un style de vie ouvrier, qui repose avant tout sur la capacité des individus à tirer le plus grand parti d'atouts et de ressources modestes.

Source : http://terrain.revues.org/index2884.html


Document n°8 :

Il y a tout d’abord la valorisation du travail chez les ouvriers. Même les moments de loisirs et de temps libre demeurent chez les hommes des moments intenses d’activité […]

Il y a ensuite l’importance accordée à la famille, au foyer, aux moments de vie passés en commun (le repas de famille, les heures passées ensemble devant la TV, les fêtes…). Plus généralement, l’ouvrier attache beaucoup d’importance à la proximité affective avec ses proches.

Enfin, il y a l’attachement des sociétés ouvrières traditionnelles à une claire division des tâches et du travail entre les hommes et les femmes. Ce qui se traduit par une propension à affirmer les identités masculine et féminine. […]

En fait, les ouvriers ont bel et bien une culture : elle se compose de savoirs mais aussi de valeurs comme la dignité, la fierté, la solidarité…

Source : O. Schwartz, Sciences Humaines


Document 9 :

La classe ouvrière, longtemps considérée comme un bastion social et culturel voit sa mémoire collective s'effriter. Mais surtout, le mode de vie ouvrier perd de plus en plus ses contours culturels et la capacité qu'il avait de doter ses membres d'un sentiment «d'extériorité» sociale, de renforcer l'identité locale par l'identité de classe, et vice versa. Désormais, le lieu de résidence s'éloigne progressivement du lieu de travail, la sociabilité ouvrière recule avec l'extension de zones résidentielles plus composites, enfin les habitudes de consommation, malgré des «usages» encore différents parmi les ouvriers, sont de moins en moins marqués. De plus, l'accroissement du nombre de couples constitués d'un ouvrier et d'une employée renforce le mélange de styles de vie... L'épuisement de l'identité ouvrière se manifeste aussi au niveau politique puisque le vote ouvrier est de moins en moins identifiable à un vote de classe.

Source : F. Dubet, D. Martucelli, Dans quelle société vivons-nous ? Éditions du Seuil, 1998


Document 10 :

Les ouvriers existent, mais on ne les voit plus. Pourquoi ? Le processus de réhabilitation de l'entreprise à l'œuvre depuis le début des années 80, qui a étroitement coïncidé avec les «adieux au prolétariat» de nombreux intellectuels «marxistes», a fait apparaître les ouvriers comme des obstacles à la modernisation de l'industrie, comme les héritiers d'un passé révolu, menant nécessairement des combats d'arrière-garde. Progressivement et insensiblement, ils ont quitté l'horizon mental des faiseurs d'opinion (intellectuels, journalistes, hommes politiques, etc.), et cela au moment où, en raison même de l'affaiblissement des formes de résistance collective, le travail s'est intensifié dans les ateliers, où les relations sociales au travail se sont détériorées, où les ouvriers ont été pour ainsi dire transformés en simple variable d'ajustement, réduits à une composante de la masse salariale qu'il faut comprimer toujours plus. (...)

Leurs porte-parole (les syndicats ouvriers, les délégués à l'usine, les militants associatifs, le «Parti»), qui avaient vocation à les représenter dans l'espace public, ont considérablement perdu de leur influence.

Source : S. Beaud, M. Pialoux, Retour sur la classe ouvrière, Fayard, 1999.


Document 11:

Les ouvriers existent, mais on ne les voit plus. Pourquoi ? Le processus de réhabilitation de l'entreprise à l'œuvre depuis le début des années 80, qui a étroitement coïncidé avec les «adieux au prolétariat» de nombreux intellectuels «marxistes», a fait apparaître les ouvriers comme des obstacles à la modernisation de l'industrie, comme les héritiers d'un passé révolu, menant nécessairement des combats d'arrière-garde. Progressivement et insensiblement, ils ont quitté l'horizon mental des faiseurs d'opinion (intellectuels, journalistes, hommes politiques, etc.), et cela au moment où, en raison même de l'affaiblissement des formes de résistance collective, le travail s'est intensifié dans les ateliers, où les relations sociales au travail se sont détériorées, où les ouvriers ont été pour ainsi dire transformés en simple variable d'ajustement, réduits à une composante de la masse salariale qu'il faut comprimer toujours plus. (...)

Leurs porte-parole (les syndicats ouvriers, les délégués à l'usine, les militants associatifs, le «Parti»), qui avaient vocation à les représenter dans l'espace public, ont considérablement perdu de leur influence.

Source : S. Beaud, M. Pialoux, Retour sur la classe ouvrière, Fayard, 1999.


Document 12:

Si les nouveaux mots d'usine sont acceptés par les jeunes, le terme d'ouvrier fait l'objet d'un rejet, d'une disqualification. « Moi, je ne suis pas ouvrier, je suis opé­rateur. Pour ceux qui ne bossent pas du tout dans l'entreprise, on est ouvrier. Mais ouvrier, pour moi, c'est plus la main-d'œuvre. Là, ce que je fais, c'est plus pro­che de l'électronique que d'aller sur un chantier » (31 ans, niveau bac comptabi­lité). II s'agit là d'une défaite symbolique lourde de sens, signe et symptôme d'un rapport de forces dans l'espace social. Être ouvrier aujourd'hui, c'est être condamné à demeurer dans un univers socialement dis­qualifié. Et cette perte du vocabulaire ancien entraîne avec elle la crise de croyance dans le langage politique : pour bon nombre de jeunes, le discours qui en appelle à « la classe » apparaît devoir être rangé au magasin des accessoires.

[...] Ainsi, dans la France industrielle, deux types de population ouvrière coexis­tent : d'un côté, des opérateurs de PME (smicards, jeunes, taillables et corvéables à merci, non syndiqués) ; de l'autre, des ouvriers de grande usine, « ouvriéri­sés » de longue date, bénéficiant d'une forme de protection sociale notamment grâce à la présence de délégués syndi­caux dans les ateliers. Cette coexistence n'est pas sans effet sur les représentations que se font les ouvriers du monde social.

[...] Ces nouvelles formes de précarité ren­dent aléatoire tout enracinement usi­nier, toute transmission d'une culture de travail et d'une culture d'opposi­tion.

Stéphane Beaud et Michel Pialoux, « Cette casse délibérée des solidarités militantes », Le Monde diplomatique, janvier 2000.


Document 13:

Avec le chômage, l'usine et l'atelier ont perdu leur caractère de lieu privilégié de la socialisation. L'urbanisation des années 1960-70 avait déstructuré les quartiers ouvriers de centre-ville, leur image et leurs réseaux de solidarité. La crise et la paupérisation ont fait de même dans les grands ensembles.

En fait, la classe ouvrière a éclaté. Les ouvriers qualifiés se sont alignés sur la vie moderne des classes moyennes, les moins qualifiés sont tombés dans la précarité et la pauvreté. Les nouveaux visages des quartiers en sont le reflet. Les familles populaires les plus aisées ont quitté les HLM pour les nouveaux lotissements ou les quartiers rénovés. Les autres sont restés dans les cités devenues des lieux de relégation. Dans les deux cas l'empreinte du monde ouvrier - les associations, les fêtes, le bistrot du coin, le syndicat ou la cellule du parti - s'est évanouie, remplacée dans un cas par les associations de co-propriétaires, de consommateurs ou de parents d'élèves, et dans l'autre par le vide. Dans l'ensemble du pays, l'audience des syndicats ouvriers et du parti communiste a décliné, alors que les nouveaux mouvements sociaux, écologistes, féministes ou autres, sont apparus moteurs des transformations sociales. Depuis quelques années, la montée de l'insécurité économique et sociale n'a pas entraîné de retour aux formes traditionnelles d'organisation collective du mouvement ouvrier. Mais elle a fait le lit de l'extrême droite et de l'extrémisme religieux, pas toujours d'ailleurs, loin s'en faut, chez ceux qui souffrent le plus.

Source : Alternatives Economiques, HS n° 29, 1996.


Document n°14 :

Il est difficile aujourd’hui pour les jeunes ouvriers de se reconnaître dans les formes traditionnelles de la culture ouvrière. D’abord parce que cette culture s’est considérablement affaiblie et n’a donc plus la même emprise qu’il y a quinze ou vingt ans. Un jeune ouvrier qui entre aujourd’hui en usine a beaucoup moins de chance que ses aînés de trouver des syndicats actifs et puissants qui vont l’intégrer au collectif ouvrier. En outre les jeunes ouvriers n’ont pas les mêmes valeurs que leurs anciens ; ils sont plus nombreux à être passés par l’école et aspirent comme tous les autres jeunes à une vie privée, à l’épanouissement et la réalisation personnels. Ils sont d’ailleurs tout aussi concernés que les autres catégories de jeunes par le déclin du mariage, le développement des unions libres, etc.

Ainsi pour des raisons liées au déclin de la culture ouvrière et aux nouvelles formes d’acculturation, il est difficile aux jeunes ouvriers de se reconnaître dans les formes traditionnelles de la culture ouvrière.

D’un autre côté, confrontés à la dureté de la vie à l’usine, les jeunes ouvriers sont très vite immergés dans une expérience proprement ouvrière. Mêmes si les anciennes formes de la culture ouvrière sont moins parlantes pour eux, les conditions de la vie ouvrière suscitent et continueront de susciter chez eux des révoltes, des protestations ou des mouvements collectifs. Ces actions les conduiront sans doute à réinvestir les formes traditionnelles de la culture ouvrière ou à inventer d’autres formes d’organisation ou d’entités sociopolitiques. Mais il est trop tôt pour le dire.

Source : O. Schwartz, Sciences Humaines, HS n°10,sept-oct 1995.


Document 15 :

Toute la sociabilité ouvrière est ainsi imprégnée de cette image de soi : la camaraderie masculine sur les lieux de travail ou dans les cercles militants y est rude, franche et virile. Elle s'exprime aisément dans les blagues, souvent douteuses pour l'observateur extérieur, et les coups donnés "en toute amitié" où s'éprouve l'appartenance à la communauté. Pour défendre l'"honneur" ou la "dignité" du groupe - familial, amical ou professionnel - chacun doit être prêt à s'engager dans ces "colères valeureuses" toujours susceptibles de basculer dans la "bagarre", sorte de don physique de sa personne à la collectivité. Les conversations de travail tournent volontiers autour des femmes, y compris dans leur version obscène. Les loisirs eux-mêmes, lorsqu'ils ne font pas appel au pur hasard, semblent dirigés vers la dépense de force (sports proprement "physiques", pratiqués plus que dans tout autre groupe social, surcroît de travail manuel par le jardinage ou le bricolage, etc.) . Nous distinguons ici quelques unes des multiples déclinaisons de la virilité qui trouvent à s'investir dans les actions spectaculaires : sens de l'honneur, camaraderie masculine, culte de la force physique et valorisation de la force de combat.(…) Dans et par les actions spectaculaires, c'est la fibre identitaire, la "conscience fière" du mouvement ouvrier qui est ainsi stimulée par la réactivation des valeurs constitutives de l'ethos ouvrier. Elles relèvent d'abord, dans leur objectif même, de la défense de l'honneur et de la dignité du groupe, menacé dans son emploi ou son identité par des politiques de rationalisation du travail, de restructurations industrielles ou autres licenciements.

Source : Isabelle Sommier, Virilité et culture ouvrière : pour une lecture des actions spectaculaires de la CGT, in : http://www.conflits.org/index302.html


Document 16 :

L’approche historique de Stéphane Rozès observe qu’en intégrant l’individualisme contemporain à l’organisation des entreprises, le capitalisme managérial a indexé la réalisation de chacun à son investissement personnel. De la sorte, les représentations subjectives collectives sont passées d’une conscience de classe à la projection d’un devenir individuel. « Le marché permettait tendanciellement de trouver une cohérence entre la progression de ses moyens et les fins individuelles, considère le maître de conférences en science politique. Les syndicats n’ont pas su promouvoir de visée plus collective, voilà la première cause de leur crise. Cette “modernisation”,également soutenue par la gauche, a abouti à la disparition de la classe ouvrière pour soi. Et aujourd’hui que les inégalités ne cessent de croître, la conscience de classe ne réapparaît pas ».

Source : http://www.gabrielperi.fr/IMG/pdf/Lettre12